PARTIE II – Témoignages de trois proches collaborateurs de longue date – Simon Bégin

Simon Bégin

Jean Garon :  l’homme de vision

J’ai travaillé en étroite collaboration avec Jean Garon pendant une vingtaine d’année dans toutes les fonctions qu’il a occupées au cours de sa carrière politique et suis demeuré proche de lui jusqu’à son décès.

Je pourrais donc énumérer mille et une réalisations, anecdotes, aventures et mésaventures qui justifieraient que le Boulevard Kennedy devienne le Boulevard Jean-Garon.

Je m’en tiendrai cependant à un aspect, celui sans lequel le monument que fut sa carrière n’aurait jamais eu cette envergure : la vision.

Jean Garon était un homme de vision, cet ingrédient difficile à cerner sans lequel les meilleurs projets, les plus belles intentions se dispersent dans le tumulte de la vie.

Jean Garon avait une vision du Québec et de son destin de pays, une vision de notre société, vision ancrée dans des valeurs traditionnelles, c’est vrai, mais ouverte sur le monde, une vision de l’agriculture qu’il voyait au cœur de l’autonomie des québécois, une vision de l’éducation centrée sur l’enfant et les parents plutôt que sur la technostructure qui l’encadre, sinon l’étouffe, une vision enfin de sa ville dont il comprenait le destin exceptionnel.

Qu’est-ce que cette vision a donné ? Pour le Québec, beaucoup mais trop peu par rapport à ce que lui-même souhaitait et il en avait gardé une certaine amertume. Pour sa ville, énormément et cela, heureusement, demeure.

Jean Garon comprenait que Lévis, par sa simple situation géographique, mais aussi par son histoire et sa culture, avait un destin particulier.  Passage obligé de toutes les grandes voies de communication est-ouest, routière, maritime, énergétique, non seulement du Québec mais du Canada et du Mid-West américain, ouverte vers le sud sur un vaste plaine nourricière, riche d’un patrimoine unique ancré dans la plus profonde histoire de l’Amérique française, à la jonction de la culture entrepreneuriale de Chaudière-Appalaches et de la culture institutionnelle de Québec, exposée à la fois aux mouvements conservateurs et progressistes, Lévis, dans l’esprit de Jean Garon, avait l’obligation de réussir.

Pour cela, il fallait des outils.  Peu de gens savent toute l’énergie et le capital politique qu’il a investi dans la création d’un réseau routier structurant, indispensable pour unifier la Rive-Sud et concrétiser tout son potentiel : la route 132 à quatre voies, la 20 éclairée comme le boulevard urbain qu’elle est pour les gens de Lévis, les axes nord-sud que sont le Chemin des Îles et le Boulevard Kennedy et les pistes cyclables qui font la renommée de Lévis.

Combien de nouvelles écoles a-t-il négociées avec le ministre de l’Éducation afin de mettre fin au scandale du transport des enfants de l’ouest à Sainte-Foy ? Ceux qui pensent que cela se serait fait de toute façon et aussi rapidement ne connaissent rien à la politique.  Combien d’agrandissements ou de nouveaux équipements à l’Hôtel-Dieu de Lévis a-t-il fait avancer dans la liste des priorités du ministre de la santé ?  Une chose est certaine, si Jean Garon n’avait pas été là, le Centre de santé Paul-Gilbert n’existerait pas.

La grande ville de Lévis

Ayant connu pendant vingt-cinq ans la cacophonie et l’esprit de clocher d’une Rive-Sud divisée en onze municipalités, Jean Garon a toujours su que sa vision pour Lévis passait par la création d’une grande ville unifiée. 

Il l’a négociée de haute lutte avec la ministre responsable et tous ceux, localement, qui voulaient garder leur petit royaume. Si Lévis aujourd’hui est aussi bien positionnée sur l’échiquier des grandes villes du Québec, c’est en partie du moins parce que son maire fondateur a su trouver le juste équilibre entre l’efficacité d’une ville centralisée et le respect du sentiment d’appartenance des résidents de ses quartiers.

La grande ville et la vision de Jean Garon ont permis une chose très importante : mettre les bonnes choses à la bonne place : l’institutionnel plutôt à l’est, où l’histoire l’avait déjà placé, le commercial plutôt au  centre où convergent les grandes voies de communication, l’industriel plutôt à l’ouest à cause de grands espaces disponibles et de l’ouverture vers Montréal, les services et les espaces verts, le plus près possible des gens, donc un peu partout.

Quelques exemples de ce que cela a donné : le Centre des congrès dont il a jeté les bases du financement et qui est aujourd’hui le moteur du développement dans l’est, le méga-centre commercial à l’entrée de ponts, là aussi  le moteur d’un développement colossal, le regroupement de plusieurs entreprises reposant sur le transport dans les parcs industriels de l’ouest, source de milliers d’emplois.

Et d’un bout à l’autre de la ville des grands parcs qui portent la signature de Jean Garon : le parc de la Martinière, la Grande Plée Bleue, le parc linéaire de la rivière Etchemin, le parc des Écarts qui sert de tampon à Ultramar et, peut-être le parc qui porte le plus sa marque, le Parc des Chutes-de-la-Chaudière.

Cette énumération n’est pas complète bien-sûr mais elle est suffisante pour poser une question : comment se fait-il que la ville de Lévis, six ans et demi après sa mort, n’ait pas encore trouvé le moyen d’honorer la mémoire de Jean Garon comme il se doit ?

Comme ancien citoyen de Lévis et ami de la famille de M. Garon, je trouve cela gênant.

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